lundi 7 novembre 2011

Blogueurs et hominidés: la lutte pour la pertinence

(source : Télécom ParisTech)
La nature des activités des blogueurs et de la collaboration des internautes, dans le cadre du web social, serait le résultat d’une singularité de l’évolution de l’être humain. Voyons pourquoi.

La communication humaine a ceci d’unique qu’elle apparaît comme altruiste : nous communiquons à nos interlocuteurs ce qui leur est utile. Cet altruisme apparaît, dans un contexte darwinien, comme antiévolutionniste, puisque l’individu, lorsqu’il partage de l’information, renonce à un avantage qui le rend plus compétitif vis-à-vis autrui et, donc, à une meilleure position pour sa survie. Cependant, Jean-Louis Dessalles, enseignant-chercheur en sciences cognitives, considère, dans son ouvrage Aux origines du langage : une histoire naturelle de la parole, que cette caractéristique repose sur la spécificité des modes d’organisation des groupes humains. L’être humain partagerait de l’information et, de ce fait, collaborerait avec les autres dans le but de leur démontrer sa pertinence, son utilité à l’égard du groupe (pour plus de détails à ce sujet : l’entrevue radiophonique du chercheur sur France-Culture, partie 1, 2 et 3).

Qu’est-ce qui fait la popularité des blogues les plus lus et leur survie dans la blogosphère? Au-delà de la loi de puissance et des importantes inégalités de lectorats qu’elle génère (consultez, à ce titre : Power Laws, Weblogs, and Inequality), c’est la pertinence des propos qui y sont tenus aux yeux des lecteurs qu’il nous faut pointer. Ainsi, le filtrage des contenus de la blogosphère s’effectue-t-il selon ce même critère qui, chez les premiers hominidés, assurait la survie de certains et la perte des autres.
(source: T-shirt Booth)

Mais par pertinence, que devons-nous entendre? Bien-sûr, nous pensons immédiatement aux informations qui s'avéreront utiles à nos interlocuteurs. Cependant, Dessalles nous apprend qu’une forme majeure de pertinence, dans le langage, qui accapare une part plus importante de nos communications quotidiennes, est la singularité. Ainsi, dans l’article Parler pour exister, le chercheur décrit comment le fait que nous énoncions des banalités risque de compromettre notre réseau social, alors que l’émission de propos singuliers, surprenants, divertit notre auditoire et nous confère à ses yeux de l’importance. La conversation devient alors une forme de compétition et d’auto-publicité, au point même où l’exigence de singularité surpasse parfois notre dignité, lorsque nous racontons des anecdotes dans lesquelles nous occupons une position humiliante.

Cette double signification de la pertinence explique comment le très sérieux blogue du journaliste Jean-François Lisée, de L’actualité.com, côtoie, dans la liste des blogues les plus consultés au Québec (source : Top Blogs - Québec - Octobre 2011), Le techno blog a Steph, qui fait dans le « Business, Web et autres trucs rigolos ». De manière plus générale, on comprend mieux le succès de l’insolite et de l’inusité sur le web.     

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