vendredi 18 novembre 2011

Réplique à : La psychologie de l'avatar, de Claude Alain

Ce billet constitue une réplique à La psychologie de l'avatar, de Claude Alain.

(source: États du lieu)
Voici d’abord une petite rectification que je voudrais apporter : la communication non-verbale est sans doute un besoin inné, mais la constitution de sa grammaire, elle, est acquise. Selon Ray  Birdwhistell (dans La nouvelle communication), elle entremêle l’individuel et le social. Les personnes y réagissent « comme d’après un code secret et compliqué, écrit nulle part et connu de personne, compris par tous » (p. 64). Ce code n’est pas d’ordre organique (inné), mais artificiel. Il découle des traditions sociales : chaque groupe social possède donc une grammaire non-verbale qui lui est propre.  

Ces considérations m’amènent à la notion d’incorporation, que la sociologue Sylvia Faure résume comme suit :


Les processus d’incorporation dépendent d’une assimilation/appropriation des propriétés de relations sociales où des gestes, des comportements, des manières de parler, de penser et d’agir sont « attrapées » par les individus socialisés. [Ils reposent] sur des mécanismes d’identification, d’imitation et de mimétisme se mettant en œuvre généralement dans une action (en « faisant » des choses) et/ou en regardant les autres agir. (source : Les cadres sociaux de l’incorporation).

Les comportements qui résultent de l’incorporation, ajoute-t-elle, sont modifiés par chaque individu selon ses expériences passées et en fonction des lieux, des temporalités et des autres individus.

L’incarnation d’une personne dans un avatar a ceci de limitatif qu’il est impropre à rendre la communication non-verbale, vue comme des manifestations extérieures de l’incorporation. Aussi, si « [l]es avatars sont des signes, des étendards et des drapeaux de nos différentes identités », pour reprendre la formule de Yann Leroux, ils ne révèlent rien des formes de socialisation qui ont contribué toute notre vie à modeler nos identités.

(source: Fiction IMVU)

Les avatars sont des expressions figées de nos identités qui taisent notre appartenance à des groupes sociaux, à des catégories professionnelles, à la manière dont notre gestuelle a été sculptée par le regard d’autrui (par exemple, une personne physiquement attirante se mouvra avec davantage de confiance et d’aisance qu’une personne disgracieuse). Ils font également l’impasse sur nos apprentissages corporels (la fluidité qu’apporte la pratique du ballet ou la rigidité d’une éducation sévère), sur notre âge et sur l’environnement dans lequel nous avons vécu. Ironiquement, les avatars ne sont pas à même de refléter adéquatement les modifications de comportements (et, corolairement, la communication non-verbale qui en est issue) qu’ils engendrent chez les personnes qui les contrôlent, modifications que Nick Yee appelle l’effet Protée (voir, à cet effet, l’article The Proteus Effect: The Effect of Transformed Self-Representation on Behavior, bien résumé dans le billet d’Alain).

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